Le savoir
Le
savoir est défini habituellement comme un ensemble de
connaissances ou d'aptitudes reproductibles, acquises par l'étude ou l'
expérience
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- Du latin populaire *sapēre, en latin classique sapĕre, « avoir de la saveur », avec influence de sapiens « sage », d'où « être perspicace », « comprendre », puis « savoir », et élimination du classique scire « savoir ». Très ancien français : sabir (Serments de Strasbourg), puis saveir, et enfin savoir. Pendant très longtemps, du moyen français jusqu'au XVIIIe siècle, le mot s’écrivait sçavoir par fausse régression au latin classique scire (« savoir »). Il fallut attendre 1740, pour que l’Académie française enregistrât, en la 3e édition de son dictionnaire, le mot sous sa graphie actuelle.
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Définitions
En français, les termes de
connaissances et
savoirs sont
employés alors que, par exemple, l'anglais utilise
knowledge dans tous les cas. Ce décalage a une origine ancienne puisque le mot provient du latin
sapere, verbe qui employé intransitivement indiquait une entité qui
possédait une saveur. Il n'y avait donc alors pas de référence au moindre processus cognitif. Ce n'est qu'au
Moyen Âge qu'émergea le sens actuel après avoir transité par une forme figurée désignant
une personne en quelque sorte «
informée ». À partir de cette époque, le fait de
savoir
fut considéré comme une attestation ou garantie de sagesse, association
qu'on retrouve de nos jours sous la forme de la confusion
traditionnelle entre le savoir et l'
intelligence ; des oppositions telles que « tête bien pleine » et « tête bien faite » rappelant
que les choses ne sont pas si simples.
Tout comme savoir et connaître ne s'emploient pas dans les mêmes contextes, on distingue savoir et connaissance :
- Le savoir désigne une construction mentale individuelle qui peut englober plusieurs domaines
de connaissance. Pour Littré (1877), ce terme ne s’employait qu’au
singulier et était défini comme «Connaissance acquise par l'étude, par
l'expérience1».
Le TLFI amplifie cette définition : « Ensemble des connaissances d'une
personne ou d'une collectivité acquises par l'étude, par l'observation,
par l'apprentissage et/ou par l'expérience 2. »
- La connaissance se réfère,
quant à elle, à un domaine précis extérieur au sujet : connaissance
d’une langue, d’une discipline. Ce terme s’emploie généralement au
pluriel : connaissances usuelles, connaissances pratiques, base de
connaissances, etc.
Savoir et connaissance s’opposent au domaine de la croyance.
Le savoir se distingue par divers traits d'un ensemble de
connaissances en particulier par la dimension qualitative :
l'acquisition d'un savoir véritable suppose un processus continu
d'assimilation et d'organisation de connaissances par le sujet concerné,
qui s'oppose à une simple accumulation et rétention hors de toute
volonté d'application. Au niveau individuel le savoir intègre donc une
valeur ajoutée
en rapport avec l'expérience vécue et de multiples informations
contextuelles. Chaque personne organise et élabore son savoir en
fonction de ses intérêts et besoins ; la composante consciente et
volontaire de cette élaboration s'appelle la
métacognition. La plupart des « savoirs » individuels sont naturellement utiles à l'action, à sa performance, sa réussite : «
Savoir, c'est pouvoir ! ». C'est aussi
sur des mises en situation que reposent les meilleures évaluations du savoir alors que des
tests
basés sur la seule restitution d'informations ne garantissent pas sa
qualité et par conséquent sa valeur. De même, le savoir se rend plus
visible et
pratique sous le nom de «
savoir-faire », « savoir-vivre », etc. Les savoirs les plus intellectuels reposent sur l'appropriation ou création de
concepts, en parallèle avec le développement des « savoirs scientifiques » ou de la
philosophie. La notion de "
savoir être", quant à elle, utilisée notamment dans le champ de la formation des adultes renvoie aux
attitudes et
comportements qu'un sujet met en œuvre pour s'adapter à un milieu.
Si le savoir est à l'origine une composante personnelle et
individuelle, le concept s'étend naturellement à toute entité capable
d'une capitalisation analogue de son expérience :
- les autres animaux et autres organismes « savants » ;
- les communautés ou groupes humains et donc l'humanité dans son
ensemble ; on parle de « savoirs traditionnels », « savoirs
spécialisés », « savoir de l'Humanité », etc. ;
- certains systèmes informatiques, sans que cela pose l'équivalence du savoir humain et du savoir de la machine nommée telle qu'il est mis en œuvre dans un système expert ;
Chaque communauté repose sur un savoir partagé ; c'est une composante de son identité. Le
poids
et la reconnaissance de ce savoir et donc du savoir présentent des
formes variables, mais le sort de la communauté est généralement lié à
la conservation de ce patrimoine immatériel. Au sein des sociétés et
cultures, l'
éducation a pour mission d'aider à l'appropriation du savoir collectif élémentaire, on parle ainsi
d'acquisition d'un socle commun, l'
enseignement complétant l'acquisition de connaissances et savoir-faire disciplinaires, pendant que la
formation professionnelle est chargée de la transmission des savoirs professionnels.
Le savoir se présente donc généralement comme une
valeur
collective ; une ressource de nature immatérielle. De ce point de vue,
laissant provisoirement de côté l'insaisissable dimension psychologique,
cette valeur prend l'allure d'un bien et même d'un « bien économique ».
On réifie donc cette réalité en la matérialisant dans le langage. On
parle donc de :
- acquisition du savoir, accès au savoir, appropriation des savoirs ;
- transmission du savoir, échanges de savoirs, partage du savoir, circulation du savoir ;
- gestion du savoir (GS), maîtrise des savoirs, valorisation des savoirs.
Selon les époques et les cultures, la conservation du savoir et la
transmission des connaissances s'appuient sur la communication orale et
l'expression écrite. Des « entrepôts du savoir » sont créés et
entretenus comme
mémoire collective :
bibliothèque,
centres de documentation, etc.
Dans une certaine mesure, le savoir se transmet de manière informelle
par la communication entre pairs ou interaction entre membres de
statuts comparables. L'efficacité de la transmission étant pour une part
fonction de la plasticité mentale de l'apprenant, elle-même fonction de
son âge en particulier, la
pédagogie étudie les conditions de ces transmissions entre novices et
apprenants et leurs
maîtres ou
professeurs plus expérimentés ou plus savants.
Gestion du savoir
La gestion du savoir (GS) a pour objectif la valorisation du savoir au sein d'une
entreprise
ou d'une organisation pour de meilleures performances. Elle se compose
de pratiques diverses soutenant la création de savoirs, l'organisation
du savoir collectif et les capacités de son exploitation par les
personnels. Ce secteur a commencé à émerger en fin des années 1980 quand
la quantité d'informations disponibles s'est avérée excéder les
capacités de leur intégration par les organismes.
La gestion doit s'appuyer sur une « culture du savoir » partagée par
la communauté et rester en phase avec cette dimension. « Rétention
d'informations », « culte du secret », etc., sont des réflexes qui
doivent parfois être modérés avant tout autre objectif. D'un certain
point de vue, la GS est à la Connaissance, ce que l'
Information est au
système d'information
de l'entreprise. Les facteurs humains, sociaux doivent toujours être
pris en considération pour une bonne compréhension de la démarche et la
reconnaissance de sa légitimité : c'est l'ensemble de la structure qui
doit se penser comme «
organisation apprenante ». Le savoir doit être perçu comme la possibilité de prestations ou de produits de qualité supérieure.
La gestion du savoir s'attache d'abord à expliciter le « capital
intellectuel » des employés en association avec la « mémoire »
organisationnelle. Les investigations et initiatives nécessaires doivent
valoriser simultanément la place du savoir de chacun au sein de
l'activité. Cela comprend :
- la mise en formes explicites de savoir-faire implicites. On se
demandera en particulier quel est le déficit de la « mémoire
organisationnelle » en cas d'absence ou de départ de tel ou tel employé.
On peut parler de « savoir instable ».
- le recensement de multiples formes de compétence restées méconnues,
sans se restreindre au secteur d'activité ou au cadre professionnel.
Cela rejoint naturellement les démarches de validation des acquis professionnels et la détermination des parcours de formation.
On peut parler de « savoir méconnu » plutôt que de « savoir caché »
(qui relèverait plutôt des secrets professionnels et apparentés).
À ce stade, les grandes lignes d'une «
cartographie du savoir »
peuvent déjà être déployées ; la confrontation de cette carte avec la
structure et fonctionnement de l'organisation peut permettre de relever
ses faiblesses du point de vue de la valorisation du savoir (
gestion des ressources humaines).
Alors, selon l'organisme concerné, une dynamique de création de
savoirs doit être progressivement mise en place. Cette démarche pourra à
un autre niveau accompagner ou soutenir toutes les modalités de
changement de l'organisation (logique de projet, évolutions et
mutations). Il s'agit donc de développer et consolider les formes de
communication (échanges d'idées) et de
créativité en les orientant vers la réalisation de ressources pérennes réutilisables.
La gestion du savoir peut être ainsi conçue comme la zone commune à la
veille
informationnelle et à l'information et communication internes. La
complexité de ces processus requiert des investissements dans les
technologies de l'information. L'informatique est employée aux
différents stades de la valorisation du savoir, en particulier dans la
gestion et la communication de la
documentation et autres mises en forme des connaissances.
Une fois les savoirs inventoriés et préservés dans un processus
d'accroissement continu, il faut garantir l'accès de tous à ces
ressources, pour finalement vérifier et soutenir leur usage dans les
pratiques effectives. Pour les grandes organisations au moins, le modèle
global peut être une espèce de « marché du savoir » où l'offre et la demande devraient coïncider et satisfaire à tout moment les besoins des producteurs et des consommateurs.
Cette adéquation ne doit pas être uniformisante et façonner un employé
moyen, mais au contraire se préoccuper notamment de l'accessibilité d'un
même savoir à des « clients » très divers.
Comme il a été dit, les
facteurs psychologiques,
les composantes relationnelles, ne doivent jamais être sous-estimées à
tous les stades de la valorisation du savoir, au risque de voir surgir
des réactions et des désordres imprévus bien contraires à l'intention
première. Il ne faut pas oublier que l'élaboration ou acquisition d'un
savoir véritable demande du temps, de la disponibilité et donc avant
toute chose une réelle motivation ; motivation qui peut se nourrir du
gain d'autonomie qu'apporte à toute personne une meilleure gestion de
son savoir propre. On n'oubliera pas non plus que l'organisation peut
n'avoir aucun intérêt à maintenir certains savoirs. Comme tout acteur
social, elle peut "ne rien vouloir savoir" de certains de ses propres
défauts, ou de son propre passé. Elle peut vouloir ignorer qu'elle n'est
pas seulement une "machine à profit", mais aussi partie prenante d'une
société d'êtres humains qui ne sont ni des clients ni des employés, mais
des concitoyens. Mais il est sans doute inhérent à toute institution
humaine de ne bâtir ses propres savoirs qu'en en refusant d'autres.
Sources : « Introduction à la gestion du savoir dans la fonction
publique », Centre canadien de gestion sur l'organisation apprenante,
avril 1999.